Bug informatique et financier à l’AP-HP

Bug informatique et financier à l’AP-HP : un parfum de scandale

 

Paris, le mercredi 5 octobre 2016 – À l’heure de présenter lundi de nouvelles mesures tendant à renforcer la sécurité des hôpitaux, Marisol Touraine a indiqué que la question de la sécurisation des systèmes informatiques seraient l’objet d’un plan parallèle. Il y a sans doute urgence.

De nombreuses affaires ont mis en évidence la vulnérabilité des systèmes informatiques hospitaliers, vulnérabilité mal maîtrisée par des responsables pas toujours expérimentés. Même les plus grands n’échappent pas à ces failles parfois fort dommageables. Le Canard Enchaîné révèle en effet ce matin qu’un bug touchant le logiciel de gestion financière de l’AP-HP a conduit à la « perte » de 80 millions d’euros.

C’est un rapport de la Chambre régionale des comptes d’Ile de France, encore confidentiel, mais que le journal satirique a pu consulter, qui épingle l’incident survenu en 2011. Au moment du changement de logiciel, les informations nécessaires à la relance de factures allant de 2001 à 2011 ont été totalement perdues. Conséquences : impossible de réaliser le rappel de factures s’élevant pour celles non éteintes à 80 millions d’euros. « Une perte réelle et définitive » commentent les magistrats de la Cour des Comptes. L’AP-HP ne nie nullement les faits, dûment consignés dans ses comptes et note (sans doute pour relativiser !) que ces 80 millions, qui concernent une période de 9 ans, sont à mettre au regard des 7 milliards de recettes annuelles.

Orbis : un logiciel qui multiplie les critiques

Cependant, le logiciel de gestion financière n’est pas seul à être l’objet d’avaries préoccupantes. Selon le Canard Enchaîné, la Cour des Comptes critique également le coût du logiciel de gestion des patients, Orbis, acquis en 2008, et qui en dépit de son prix (130 millions d’euros !), est loin d’avoir rempli toutes ses promesses. Cette critique s’inscrit dans une série de rapports sévères vis à vis des retards de déploiement d’Orbis. Déjà en 2012, un audit déplorait que l’objectif d’une installation dans l’ensemble des établissements en 2014 ne puisse être rempli. Le coût et le manque de modernité du système étaient également regrettés. Trois ans plus tard, en novembre 2015, la direction interministérielle des systèmes d’information et de communication de l’Etat (Disic) évoquait à son tour une qualité de service laissant à désirer ou encore des « incidents graves » tout au long de l’année 2014. A son tour le déploiement du dossier médical, de manière en outre incomplète, dans seulement cinq hôpitaux était pointé du doigt.

Cependant à la différence du premier audit ou de la chambre régionale des comptes, la Disic ne déplorait pas de dérapages financiers.

Un autre temps?

Pas besoin cependant de se pencher sur les logiciels informatiques pour détecter des bugs financiers. Ils ne manqueraient pas dans d’autres sphères. La chambre régionale de la Cour des comptes cible ainsi l’augmentation du salaire de 100 000 euros par an par rapport à son prédécesseur (et son successeur) de Mireille Faugère, nommée par Nicolas Sarkozy en 2010. Une progression nullement justifiée par la réglementation et qui n’empêcha en outre pas l’obtention d’une indemnité de départ de 125 000 euros brut, quand l’application des règles aurait dû conduire à une indemnité d’éviction de 25 881 euros ! Le Canard s’amuse encore de l’appétence de Mireille Faugère (imitant en cela son prédécesseur) pour les coûteux coachings ou audits, quitte à contourner les services fournis par des institutions de l’Etat bien moins dispendieuses (telle l’Agence nationale d’appui à la performance). L’affaire pourrait se corser en raison de doutes quant à la régularité de l’attribution de certains marchés. Enfin, les dépenses entraînées par l’envoi au Brésil de médecins payés par le pays d’Amérique du Sud pour conduire une formation sur la médecine de catastrophe ne paraissent guère du goût des magistrats. Ces différents éléments comme le suggère le Canard Enchaîné pourraient faire grincer des dents à l’heure où les personnels sont soumis à des contraintes budgétaires strictes. La direction actuelle de l’AP-HP devrait sans doute s’employer à signaler que des réformes ont été engagées pour améliorer la gestion et la transparence. A voir.