SOIGNER : UNE VALEUR DEMOCRATIQUE ET SOLIDAIRE

Cet article a été publié par le Syndicat Infin’idels en novembre 2016 lors de la primaire à l’élection présidentielle, il nous conforte dans nos idéologies et nos actions .

Notre démocratie devient plus vulnérable encore lorsqu’elle déconsidère ses devoirs d’humanité et renie certains principes constitutifs du pacte républicain

E. Hirsch

Un nouvel ordre, en ces temps de crise, par restructurations et décisions vient bouleverser tous nos repères de soignants et surtout « l’esprit du soin ».

De rigueurs gestionnaires en discours managérial, notre exercice se trouve altéré par l’obsession du quantitatif, de l’économie et du profit. Cette altération est ressentie de manière inacceptable face aux valeurs de notre art, en lien à ses capacités d’évolution, ses qualifications et son indépendance.

Sa valeur est basée sur le droit et l’accès aux soins pour tous mais surtout au sein de l’exercice libéral dans l’affirmation de la reconnaissance du droit de vivre sa pathologie à domicile. Cette dernière est devenue, par ces temps, une vraie question, et l’enjeu majeur des infirmiers libéraux. Solidarité et responsabilité nationale jusqu’à peu, rimaient encore avec liberté pour les patients et liberté pour les soignants.

Demain, par qui et comment les assurés sociaux seront ils soignés ?

Les mesures d’économie passent, entre autres, par les GHT (groupements hospitaliers territoriaux) qui imposent un nouveau visage aux soins de ville de manière brutale.

La suppression de 22000 postes hospitaliers , la facturation hospitalière intensive favorisant la multiplicité des actes à l’acte ( T2A) , les sorties ambulatoires , les déserts médicaux , le désengagement de l’assurance maladie , l’arrivée en force des mutuelles , la création de Maisons pluri professionnelles , la demande pressante de la Cour des Comptes pour une optimisation des services de soins à domicile HAD, l’ebcadrement législatif de l’exercice libéral infirmier , la fermeture des Instituts de Formation en Soins Infirmiers : tous ces faisceaux convergent vers une autre conception de la prise en charge des soins de ville.

Quel sera le prix de cette transformation ?

Est-ce aux assurés sociaux d’en payer le prix ?

Comment porter ce questionnement auprès de tous les assurés sociaux?

Les professionnels de santé se voient dans l’obligation d’agir de façon préventive , afin d’informer les patients des conséquences de cette transformation et de les replacer au centre du systéme de soins tels des acteurs de la santé

Présentée comme une évolution dans la qualité des soins la Loi Santé fait le choix de prioriser la réflexion gestionnaire à la réflexion éthique.

Les évolutions de la médecine permettant aux patients de pouvoir bénéficier d’années conquises sur la maladie ou le vieillissement, se verraient détruites par une erreur de stratégie politique qui pourrait engendrer une catastrophe sanitaire. Une politique palliative ne suffira pas.

L’éloignement des services hospitaliers, les déserts médicaux, les engorgements des services d’urgence auront pour conséquences une inaccessibilité aux soins, une déshumanisation, une destruction de l’accompagnement social.

Reléguer les plus fragiles, les dissemblables, les plus âgés, dans l’attente, les transports, l’anonymat, c’est rejeter leurs droits qui ne tiennent plus parfois qu’à la considération des soignants. Or dans cette future mise en place, aucune réflexion, ni proposition.

La facturation hospitalière à l’acte (T2A), a fait perdre à l’Hôpital son rôle d’assistant social en faisant, là aussi, un choix : celui du soin pour tous et non du soin pour chacun. Par un jugement purement comptable l’Hôpital tronque les soins que l’état ou l’âge du patient justifient par des critères imposés financièrement.

Le regroupement hospitalier entraînant un éloignement, par conséquence pèsera dans la décision d’une hospitalisation, ou pas, en fonction de critères économiques et influera obligatoirement dans la décision d’une consultation médicale.

Le personnel hospitalier vit des heures sombres, avec pour première, les suicides de certains cinq professionnels paramédicaux se sont suicides depuis juin 2016 car leur condition de travail étaient devenues insupportables.

Le manque de personnel évident oblige les infirmiers à travailler à l’encontre de toute démarche éthique qui est à la base de la profession. Le regroupement hospitalier et la fermeture de services entrainant la suppression de postes, laisse envisager un désengagement massif des infirmiers pour exercer dans de méga hôpitaux. Les grilles salariales, les contraintes, le rattachement à des services éloignés de leurs domiciles complètent une situation dramatique.

Dans la continuité de la T2A , les sorties ambulatoires paraissent la solution économique . Là encore, les progrès médicaux et chirurgicaux qui à la base offraient un véritable bénéfice aux patients dans la qualité post opératoire devient un sujet de rejet et de discrimination. Les sorties ambulatoires ne sont envisageables que si elles s’accompagnent d’un encadrement social et familial complétées par une organisation sanitaire solide.

Proposer ces sorties ambulatoires sans avoir en amont poser les réflexions élémentaires de leurs prises en charge, en imposant une organisation, c’est aussi reléguer les plus faibles ou les plus isolés à un non accès aux soins, ou pire à une maltraitance involontaire.

Dans cette précipitation de recherches de structures capables de prendre en charge ces ambulatoires, la seule solution envisagée, déjà existante est le renforcement des services HAD.

Au mépris du respect du patient sur le libre choix de ses praticiens, au mépris du respect de l’origine même de l’HAD qui se veut être la continuité de l’hôpital à domicile afin de permettre à des patients atteints de pathologies lourdes de pouvoir rester à domicile, l’HAD se voit confier la mission des sorties ambulatoires. Se dessine par conséquent un avenir tout tracé pour les infirmiers libéraux qui de par la signature des conventions instituées par les syndicats représentants avec les HAD exerceront en sous- traitances sans alourdir les charges de ces institutions.

Nous voyons se profiler des plates formes gérées par des agents territoriaux qui seront chargés de diriger les sorties hospitalières en fonction des cas

Les patients suivant les besoins liés à leur pathologie seront dirigés soit vers des SAAD (service d’aide à domicile, soit vers des SSIAD (Service de Soins Infirmiers à Domicile), ou encore vers des HAD (Hospitalisation à domicile) ou les CCIAS (Service d’auxiliaires de vie à domicile géré par le Conseil Général)

Nous pouvons dons bien dénoter, l’emprise d’une gestion non soignante et la fracture dans le suivi du parcours de soin d’un patient

Les désertifications médicales se rajoutent à ces problématiques, vite résolue par la présence d’un médecin coordinateur rattaché aux HAD.

Ce dernier aurait-il pour mission de remplacer les médecins libéraux ?

Nous pouvons objectivement nous poser la question et également nous inquiéter de la qualité de cette prise en charge par le simple constat de l’afflux des soins ambulatoires.

Mais la question de la désertification médicale pose aussi un grave problème dans le parcours de soins du patient ( ou l’on voit déjà pour un seul patient la succession de trois médecins en une année , pour retraite ou départ ) et la possibilité de création de nouvelles professions d’assistantes médicales ou d’infirmières cliniciennes , et des infirmiers libéraux qui à ce jour assurent des « consultations de premiers recours » exécutant leurs métiers et distribuant leurs compétences , sans possibilité de rémunérations.

Que dire des fermetures de lits de psychiatrie et des EHPAD dont les résidents seront pris en charge par du personnel externe.

Au sein de cette volonté économique, les Caisses d’Assurance Maladie ont conscience qu’il faut faire des choix et depuis quelques années étudient les activités des professionnels de santé avec pour objectif de se désengager de tous soins que l’on nomme « de confort » soit en refusant leurs prises en charge soit en les dirigeant vers les services sociaux des Conseils Généraux.

Pour pallier à ce désengagement, un système mutualiste fait son apparition dans ce nouveau virage de protection sanitaire. Le discours change et il n’est plus rare d’entendre ou de lire qu’il faut « surveiller » ses habitudes afin de prévenir la maladie. Cette culpabilisation en demi-teinte de la personne malade et le jugement qui s’en suit est non seulement inacceptable mais de surcroît permet une exonération de solidarité et de responsabilité commune.

Imposer une mutuelle, ou conseiller une « sur » mutuelle demande un effort budgétaire également discriminatoire.

La maladie de longue durée crée des discriminations multiples tant sociales, professionnelles, que financières, le droit à l’oubli aurait-il sa place ? Ou seulement un droit de survie.

Le recours aux soins de supports et aux soins palliatifs à domicile trouveront ils réponse dans ce contexte ?

« Viser à : plus de solidarité et de justice dans l’accès aux traitements , à plus de loyauté , de disponibilité, d’écoute , d’informations et de partage dans le parcours de soin , à un accompagnement adapté ,à un véritable dialogue pour arbitrer toute décision complexe , à un plus grand respect du corps , à l’atténuation de la douleur , à la prise en compte de la souffrance , à l’aménagement d’un moment de répit , à l’anticipation des conditions de vie au quotidien , au soutien des proches , aux dispositifs atténuant les conséquences économiques , les précarités liées aux interruptions ou perte de travail , au retour à la vie professionnelle et de lutter contre toute forme de discriminations ……E.Hirsch

C’est au XXI éme siècle de relever le défi : parler de maladies, de traitements, de soins palliatifs, de parcours de soins personnalisés c’est obligatoirement réfléchir à un accompagnement adapté que tout être humain confronté à une pathologie grave est en droit d’attendre de la part des dirigeants politiques de son pays.

La e-santé, la télé médecine, la domotique seront-ils des réponses aux attentes citées plus haut ?

La relégation de la responsabilité collective au profit d’une gestion froidement économique, le mépris affiché de la condition humaine face à la maladie, la démence, le vieillissement, l’isolement social et familial, ne pourra perdurer et prouvera son inefficacité, mais à quel prix ?

Est-ce aux assurés sociaux de payer le prix fort de leur santé face à l’endettement national ?

Entre 2013 et 2014 les cotisations retraites ont augmenté de 28%, les cotisations maladie de 28%, les cotisations URSSAF de 21% .

Piliers depuis plusieurs siècles du maintien à domicile des patients, les professionnels de santé et plus particulièrement les Infirmiers Libéraux vivent de façon dramatique et dans un total anonymat cette situation et la dégradation de leur exercice.

Frappés de plein fouet par des procès en indu instaurés par les Caisses d’Assurance Maladie, un climat de défiance jamais égalé à ce jour, s’est installé entre les Infirmiers Libéraux et les Caisses.

L’étude intensive, par la force des choses, voit deux discours s’opposer pour répondre à ces procès.

Alors que les Infirmiers Libéraux expriment et justifient la base de leurs soins sur l’accompagnement, la surveillance, le soutien aux aidants, la recherche d’amélioration des conditions de vie au quotidien des patients, les installations à domicile dès leur sortie d’hospitalisation pour les cas en soins palliatifs, la compassion, l’écoute, les soins d’hygiène, les Caisses chronomètrent les actes et rejettent tout ce qui en est autour, estimant que les dépenses d’argent public ne doivent pas tenir compte de ces critères .

Deux conceptions radicalement opposées sans dialogue ou propositions plausibles

La convention nationale signée entre les syndicats représentatifs de cette profession et l’Union de Caisse d’Assurance Maladie ne tient compte que du rôle prescrit des Infirmiers Libéraux et n’offre aucune possibilité dans le développement de leur rôle propre.

Or les Infirmiers sont très attachés et prévalent de compétences qualifiées dans ce rôle propre , reconnu par leur Décret , base fondamentale de leur profession . Les différents actes gravés dans la Loi répondent à la longue émergence de cette profession à travers l’Histoire. Bien que ce Décret serait à réévaluer en fonction des nouvelles techniques médicales, le fait de le voir spolier certains de ces actes au bénéfice de personnels moins qualifiés sous prétexte d’économie est vécu comme une atteinte grave à leur exercice et au mépris de leurs compétences et de leur art.

Les différentes décisions prises par la Loi Santé sans concertation avec les Infirmiers libéraux sont elles aussi, ressenties comme une marque de mépris au regard du travail effectué à domicile depuis de très longues années.

Pour autant cette profession consciente de la nécessité d’une formation continue pour suivre les évolutions des techniques médicales, n’hésite pas à suivre sans aide financière, des formations universitaires et force les portes pour la création de consultations infirmières, de postes managériales, de droit, d’économie, et de spécialisations dans le domaine du soin et des pathologies émergeantes.

Des associations d’Infirmiers Libéraux se créent dans le bénévolat pour le suivi des patients algiques en relation avec des services anti douleur, pour la prise en charge des sorties ambulatoires avec des hôpitaux, les soins palliatifs ….

Ce qui est la preuve irréfutable que les Infirmiers Libéraux sont en mesure de relever ces nouveaux défis. Reste l’incompréhension de l’absence de concertation dans les réformes entamées !

L’exercice à domicile n’est pas sans risque, la progression des agressions étant de 26% en 2014 dont une augmentation de 69% en agressions verbales et de 11% en agressions physiques (source Le Parisien 04/2014) sans que pour autant cette notion soit prise en compte par les instances gouvernementales.

Les Infirmiers Libéraux participent depuis longtemps à l’économie des dépenses de santé de par les prix conventionnels de leurs actes. A titre d’exemple un déplacement à domicile est facturé :2,50€ , une injection simple : 3,15€ , une séance de soins infirmiers forfaitaire : 7,95€

Ces tarifs sont énoncés en valeur brute

De part la Convention Nationale chaque premier acte nous est payé à taux plein, le second à demi-tarif et tous les suivants sont gratuits.

Les prises en charge forfaitaires des HAD étant naturellement plus élevées, il est étonnant que le gouvernement ai pris la décision de favoriser ces structures pour des soins simples de surveillance et d’entretien en sorties ambulatoires.

Pour autant, le manque de structuration de l’exercice libéral a été le défaut premier pour répondre aux attentes de ces réformes profondes.

Ce le principe est, pour les Libéraux, très contestable, afin de limiter les dangers de cette restructuration en soins de ville, il faut prendre conscience de l’urgence d’une adaptabilité du libéral.

Pour se faire il faut :

1/ Unir les Infirmiers Libéraux localement sous forme de réseaux ou plates formes avec un point d’accès unique tant pour les professionnels que pour les services hospitaliers que pour les patients.

Respectant avant tout le libre choix du patient, cet accès se ferait exclusivement dans ce sens.

2/ Création d’une charte éthique de bonne pratique et de qualité, révisable et uniforme sur le territoire Français, créée par les infirmiers et les comités d’usagers

3/ Palier au désert médical en créant des structures de premiers recours en collaboration avec le corps médical , dans les zones sous affectées , permettant de désengorger les services d’urgences , assurer des consultations préventives contribuer a développer des structures de planning familial en collaboration avec les sages- femmes , assurer une logistique pour des consultations de médecins spécialistes , créer un pôle de surveillance et de suivi pour pallier aux problèmes de fermetures de lits des hôpitaux psychiatriques , consultations et suivi des addictions , des centres anti douleurs…( liste non exhaustive )

4/ Possibilité de pallier au manque crucial d’infirmiers en médecine du Travail sous forme de vacations, médecine pénitentiaire.

5/ A l’encontre de l’avis des ARS nous pensons que cette structuration ne doit pas être régionale mais nationale, avec une étude plus centrée sur chaque bassin de vie en fonction des régions.

6/ Création d’outils en rapport avec les pathologies, permettant un contrôle de satisfaction des patients et leurs interventions au sein du réseau, car il est aberrant de constater que tous les projets proposés à ce jour se fassent sans leur présence dans un comité des usagers.

7/ Possibilité de relier à ces réseaux tous les avantages de la domotique à domicile permettant une surveillance et une intervention rapide du professionnel (surveillance des constantes, des chutes etc)

8/ Implication des différents acteurs autour de ce réseau tel que médecins traitants, kinésithérapeutes, prestataires, pharmacies, labos.

Cette structuration permettra :

  • De travailler efficacement avec les HAD qui reprendront leur rôle premier d’hospitalisation à domicile
  • De répondre à l’attente de tout patient en longue maladie pour une prise en charge personnalisée ou il pourra participer à l’amélioration de celle-ci.
  • De répondre aux attentes gouvernementales dans l’assurance, la traçabilité et le retour des actions sur les sorties hospitalières et les prises en charge des patients
  • De contribuer à l’accessibilité des soins en adaptant l’offre en fonction des bassins de vie
  • De contribuer à des économies en unifiant la transmission des flux de remboursements auprès des Caisses
  • En intégrant une vraie consultation éthique dans l’accompagnement et les soins
  • En assurant une continuité des soins en H24 et en J365 ce que seul permet l’exercice libéral
  • En permettant une revalorisation des formations et des diplômes universitaires
  • En créant une diversité des échanges entre les différents acteurs de ces réseaux

En conclusion nous entendons nos politiques « non soignants, non médicaux » nous parlez de soins de conforts, de bobologie Les soins dits de conforts sont réalisés auprès de patients qui sont dans l’incapacité de gérer les besoins élémentaires qui permettent à tout individu de garder sa dignité dans la maladie, dans sa vie et dans sa fin de vie

La bobologie nous professionnels de santé à domicile nous ne connaissons pas, nous en avons donc découpé l’étymologie

Logie : étude scientifique

Bobo : personne ne qui a des revenus non faramineux, plutôt diplômée…qui profite des opportunités culturelles et qui vote à gauche. !

Article 1 de la Loi de Santé : L’ETAT EST RESPONSABLE DE LA SANTE

Nous demandons donc aux responsables politiques de prendre leurs responsabilités et d’arrêter de faire assumer toute cette injustice aux professionnels de santé que nous sommes

Nous souhaitons être entendus et nous refusons de continuer à regarder se vendre notre santé de soignants et de soignés.

SYNDICAT des INFIRMIERS Libéraux INFIN’IDELS