Collaboration / Remplacement

Distinction entre un remplacement et une collaboration

 

Selon l’article R4312-43 du code de la santé publique le remplacement n’a lieu que pendant l’indisponibilité de l’infirmier (pour cause de congés, de maladie, de formation, de maternité…). Le remplacement est donc par essence temporaire.

De plus, pendant le remplacement l’infirmier remplacé ne peut pas exercer la profession d’infirmier (article R4312-45 du code précité). La jurisprudence a été amenée à se prononcer sur la distinction entre le remplacement et la collaboration.

Ainsi, dans un arrêt du 16 décembre 2004 la Cour d’appel administratif de Nancy relève que les praticiens désignés par le contrat comme remplaçants travaillaient tous les jours ou tous les jeudi, vendredi et samedi. Les remplacements allégués présentaient donc un caractère régulier et constant. Dès lors, il s’agissait de « contrats comportant la mise à disposition des locaux et matériels nécessaires à l’exercice » et non pas de contrats de remplacement (CAA Nancy 16 décembre 2004 n° 02NC00024).

Cette position jurisprudentielle a été confirmée par un arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, « Le remplacement d’un infirmier ou d’une infirmière est possible pour une durée correspondant à l’indisponibilité de l’infirmier remplacé, un contrat de remplacement doit être établi entre les deux parties lorsque le remplacement dure plus de 24 heures. Un contrat de remplacement suppose une date de début, une date de fin, un motif de remplacement. » (CA Aix-en-Provence, chambre B, 13 novembre 2008, n°2008-661).

En somme, lorsque le prétendu remplaçant intervient de façon régulière et constante dans le cabinet pour partager les tournées, le temps de travail avec le titulaire du cabinet il s’agit d’une collaboration et non pas d’un remplacement. Il importe peu que le contrat soit intitulé « contrat de remplacement ». Il s’agit par exemple de l’infirmier qui travaille 2 jours toutes les semaines.

Par ailleurs, en l’absence de clause de non-concurrence insérée dans le contrat de remplacement l’article R4312-47 du code de la santé publique dispose : « Un infirmier ou une infirmière qui a remplacé un autre infirmier ou une autre infirmière pendant une période totale supérieure à trois mois ne doit pas, pendant une période de deux ans, s’installer dans un cabinet où il pourrait entrer en concurrence directe avec l’infirmier ou l’infirmière remplacé, et éventuellement avec les infirmiers ou les infirmières exerçant en association avec celui-ci, à moins que le contrat de remplacement n’en dispose autrement. »

Il est à rappeler que cet article ne s’applique que s’il s’agit réellement d’un remplacement et non pas d’une collaboration déguisée.

Aussi, la jurisprudence précise les dispositions de l’article R4312-47 en indiquant que le remplaçant ne doit pas s’installer dans le ou les secteurs géographiques d’activité réelle de l’infirmier remplacé. A défaut c’est une atteinte excessive à la liberté d’installation de l’infirmier remplaçant.

S’agissant des modalités de la rupture de la relation professionnelle, la jurisprudence précise que la rupture brutale des relations professionnelles établies dans le temps est une rupture abusive. Dès lors, l’infirmier qui souhaite rompre une relation professionnelle (remplacement, collaboration, exercice en commun) qui n’a pas été actée doit le faire par lettre recommandée avec avis de réception et accorder un délai de préavis afin de permettre à l’autre de s’organiser.

 

Le contrat de collaboration libérale entre infirmiers

 

Avertissement : la présente fiche a un but informatif et ne constitue ni un contrat-type ni une édiction par l’Ordre de clauses contractuelles essentielles

Les professionnels libéraux qui débutent leur carrière ne sont généralement pas en mesure de créer d’emblée leur propre cabinet faute de clientèle, d’une expérience de la gestion d’entreprise et de moyens financiers suffisants.
Or, certains souhaitent exercer de manière indépendante, sans lien de subordination, afin d’acquérir l’expérience qui leur permettra de s’installer ultérieurement ou de s’associer. Le contrat de collaboration libérale répond à cette attente en offrant, à côté du salariat qui, rappelons-le, est strictement prohibé entre infirmiers, un mode d’exercice caractérisé par une autonomie reconnue. Il s’adresse à un professionnel non salarié qui exerce, auprès d’un autre professionnel, personne physique ou personne morale, la même profession. Les professions libérales soumises à statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, à l’exception toutefois des professions d’officiers publics ou ministériels, ont souhaité pouvoir bénéficier de la possibilité de conclure un tel contrat dans le respect des règles régissant la profession concernée. C’est aussi le cas de la profession d’infirmier.

 

La loi de 2005 précise les trois éléments clés de la collaboration :
– La nécessité d’un contrat
– La faculté pour le collaborateur de constituer sa propre clientèle
– La préservation des intérêts de chacun

 

1. L’exigence d’un contrat écrit de collaboration

L’article 18 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 qui a créé le statut de collaborateur libéral pose l’exigence de la conclusion d’un contrat de collaboration dans le respect des règles régissant la profession. Ce contrat est signé entre « le titulaire » et « le collaborateur ».

Cette formalité constitue une sécurité en cas de litige et fera office de règle du jeu à laquelle chacun pourra se référer. L’Ordre, dans sa mission spécifique conférée par la loi (article L4113-12 du code de la santé publique) donne son avis sur tout projet de contrat que peuvent lui transmettre l’un et/ou l’autre des cocontractants.

 

a) Les signataires du contrat

Le titulaire peut être un infirmier libéral exerçant légalement la profession donc inscrit au tableau de l’Ordre en individuel ou une société d’exercice de la profession d’infirmier, soit une société d’exercice libéral, soit une société civile professionnelle.
Le collaborateur libéral est un infirmier en exercice qui doit par conséquent être inscrit au tableau de l’Ordre des infirmiers, seul garant de l’indépendance professionnelle.
Un titulaire d’un cabinet ne peut recourir aux services que d’un seul collaborateur libéral car le cumul de contrats de collaboration serait constitutif d’une gérance de cabinet et d’un exercice de la profession d’infirmier comme un commerce (Conseil d’Etat, 11 octobre 2010, n°330296)

 

b) Un contrat respectueux de l’indépendance et des règles professionnelles

L’article 18 de la loi de 2005 prévoit, qu’à peine de nullité, le contrat doit être établi par écrit et préciser sa durée qui peut être indéterminée ou déterminée en mentionnant dans ce cas son terme et, le cas échéant, les conditions de son renouvellement.
Ce contrat devra comporter légalement (article 18-III de la loi de 2005) au moins des clauses relatives :
– à sa durée
– aux modalités de la rémunération
– aux conditions d’exercice : la possibilité de développer une patientèle, jours et horaires de rendez-vous, conditions de mise à disposition et d’entretien du local et du matériel, liste du matériel mis à disposition et à son entretien, modalités relatives aux congés et absences)…
– aux conditions et modalités de rupture (préavis et conditions de départ).

Aucune clause ne doit laisser s’installer un lien de subordination entre le titulaire et le collaborateur qui, en tant que professionnel libéral, exerce en toute indépendance. Le contrat ne saurait contenir des engagements incompatibles avec les règles de la profession ou susceptibles de priver le collaborateur de l’indépendance professionnelle nécessaire (article L4113-11 du Code de la santé publique)

 

c) Les modalités de la rémunération

Le collaborateur, comme le titulaire, facture directement l’ensemble de ses prestations et encaisse la totalité des honoraires qui lui sont dus par les patients qu’il a soignés (à la différence de l’infirmier remplaçant qui utilise temporairement les moyens de facturation de l’infirmier remplacé). Le collaborateur ne peut être rémunéré par le titulaire ce qui constituerait une suspicion de contrat de travail, prohibé entre infirmiers.
Le contrat prévoit une redevance de collaboration versée au titulaire du cabinet. Elle doit correspondre à la mise à disposition du local, du petit matériel, des moyens de communication. Il s’agit en réalité d’une participation aux frais du cabinet.
Le contrat pourra utilement fixer les modalités de réévaluation périodique de la redevance.
Il est important de noter que le collaborateur, qui n’est pas associé du cabinet, n’a pas à être consulté pour sa gestion dont le titulaire reste maître.

 

d) Les conditions d’exercice de l’activité et notamment les conditions dans lesquelles le collaborateur peut satisfaire les besoins de sa clientèle personnelle

Le contrat doit en outre prévoir les conditions dans lesquelles le collaborateur peut subvenir aux besoins de sa clientèle propre en même temps qu’aux besoins de la clientèle du professionnel avec lequel il collabore.

 

e) Les conditions et les modalités de la rupture dont le délai de préavis

Il est recommandé d’accorder la plus grande attention à la rédaction de ces clauses et notamment aux modalités de notification de la rupture qui devra s’effectuer par lettre recommandée avec accusé réception.
Parmi ces modalités de rupture peut figurer une clause de non-concurrence (voir infra).

 

f) Le respect des règles professionnelles

Les signataires doivent s’engager à respecter les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’exercice de la profession, notamment les règles professionnelles contenues dans le code de la santé publique aux articles R4312-1 et suivants. Les cocontractants doivent également s’engager à respecter le libre choix de l’infirmier par le malade, élément fondamental dans la détermination des clientèles.

 

2. La faculté pour le collaborateur libéral de constituer sa propre clientèle

Le collaborateur libéral exerce son activité professionnelle en toute indépendance, sans lien de subordination. Il peut donc se constituer une clientèle personnelle. Son nom peut ainsi figurer dans l’annuaire, il possède sa propre plaque professionnelle, ses propres feuilles et sa carte de professionnel de santé (CPS).
C’est là la différence essentielle entre les statuts de remplaçant et celui de collaborateur.
Si le développement d’une clientèle personnelle est pour le collaborateur, une simple faculté, l’impossibilité d’y procéder résultant d’agissements du titulaire peut aboutir à une requalification en contrat de travail (Cass. ch. mixte, 12 févr. 1999, n° 96-17.468)

 

a) La constitution d’une clientèle reste une simple faculté

Rien n’oblige pour autant le collaborateur libéral à développer sa propre clientèle et l’absence de clientèle personnelle ne constituera pas un motif suffisant pour requalifier en contrat de travail un contrat de collaboration s’il est avéré que le collaborateur a conservé une indépendance professionnelle suffisante.

 

b) Le risque de requalification du contrat

La Cour de Cassation a une position très ferme lorsque le collaborateur se voit priver par le contrat ou dans les faits de cette possibilité : elle requalifie le contrat en contrat de travail.
Le juge recherchera en effet si les conditions d’exercice de l’activité permet ou non au collaborateur de développer effectivement une clientèle personnelle. Les tribunaux examinent à cette occasion le nombre de patients, la mise à disposition de locaux propres à recevoir la clientèle, le temps laissé au professionnel pour établir sa clientèle.
Dès lors qu’il ressort du dossier une attitude générale tendant à dissuader le collaborateur de développer une patientèle personnelle et le fait que le collaborateur ait été privé de l’indépendance technique propre au collaborateur libéral, le juge requalifie le contrat de collaboration en contrat de travail.

 

c) La clause de non concurrence

La question de l’opportunité d’une telle clause au sein du contrat de collaboration se pose d’autant que la loi du 2 août 2005 ne l’a pas expressément prévue. Toutefois, elle n’interdit pas non plus d’y recourir pourvu qu’elle soit limitée dans le temps et dans l’espace (ressort géographique déterminé).
L’inscription d’une clause de non concurrence dans le contrat de collaboration risque toutefois de poser des difficultés que les parties doivent chercher à prévenir dès la conclusion du contrat.

 

d) l’individualisation de la clientèle

Un collaborateur ne peut prétendre de droit à une quote-part de la clientèle du titulaire, même s’il exerce des années avec lui. C’est un principe issu de la loi. Toutefois, le contrat de collaboration doit permettre de respecter l’équilibre entre, d’une part, les intérêts du titulaire qui met sa clientèle à disposition, et d’autre part ceux du collaborateur qui se constitue une clientèle propre. Il convient donc d’individualiser chacune des clientèles.
Le contrat peut prévoir cette individualisation s’il comporte une clause suivant laquelle le collaborateur peut répondre à l’appel de sa clientèle personnelle, celle-ci étant située en dehors du secteur d’activités du cabinet du titulaire.
De la même manière par exemple, il peut être prévu que le collaborateur pourra constituer sa propre clientèle sur les jours où il ne travaille pas auprès de la clientèle du titulaire.
Une évaluation régulière de la clientèle peut également être prévue au contrat au travers, par exemple, d’une renégociation du contrat par périodes de quelques années.
A défaut d’une telle individualisation, l’existence d’une clause de non-concurrence est sans doute justifiée pour éviter que le collaborateur, après avoir établi un lien professionnel avec la clientèle du titulaire, ne s’installe individuellement dans la zone. La rédaction de la clause de non-concurrence devra être particulièrement soignée excluant de son champ d’application la clientèle que le collaborateur aura constituée au cours de la collaboration. Pour rappel, l’article R4312-42 du Code de la santé publique interdit le détournement de clientèle.

 

e) L’interdiction de concurrence déloyale et la nécessaire protection du titulaire contre les agissements déloyaux de son collaborateur

Dans l’éventualité où une telle clause n’aurait pas été incluse dans le contrat, et compte tenu du principe de libre choix du professionnel de santé par le patient, le collaborateur pourrait s’installer librement à l’issue de la période de collaboration.
Toutefois, le collaborateur reste tenu d’une obligation de ne pas accomplir d’actes répréhensibles de concurrence déloyale. Sont, au regard de la jurisprudence, considérés comme tels le démarchage actif des clients, l’utilisation de fichiers clientèle frauduleusement obtenus, etc.
Pour se préserver de ce risque, le contrat pourrait prévoir l’obligation du collaborateur de communiquer confidentiellement et spontanément, au terme de ses six mois d’installation, au titulaire du cabinet, la liste complète des patients du titulaire qui l’auront sollicité pendant ce délai. Une telle clause pourrait être assortie dune clause pénale c’est-à-dire d’une sanction pécuniaire librement convenue par les parties au contrat en cas de non respect de cette obligation.