La souffrance psychique des soignants

Paris, le mardi 18 octobre 2016

 

Dans un climat électrique, marqué par des tensions entre professionnels de santé, l’évocation de plus en plus fréquente de la souffrance psychique des soignants et par des agressions choquantes (telle la fracture des deux mains d’un urgentiste de Saint-Denis), l’Observatoire de la sécurité des médecins vient de rendre publics ses chiffres pour l’année 2015. Créé par l’Ordre des médecins, cette instance reçoit les signalements d’agressions de tous types émanant de l’ensemble des praticiens, exerçant en ville comme à l’hôpital. Cependant, les libéraux seraient plus nombreux à utiliser ce système de vigilance, comme en témoignent les chiffres : 71 % des incidents rapportés en 2015 ont en effet eu lieu dans le cadre d’un exercice de ville. L’existence d’autres observatoires dédiés aux établissements de soins explique sans doute pour partie cette tendance.

Un observatoire qui s’installe

Les premières années de l’observatoire ont été marquées par une augmentation régulière des signalements probablement liés à une plus grande visibilité du dispositif. Le nombre d’informations reçues est ainsi passé de 638 en 2003 à 925 en 2015 sans que l’on puisse nécessairement conclure à une augmentation réelle de la violence touchant les médecins. Cependant, depuis quelques années, le nombre de signalements paraît se stabiliser autour de 900 et atteint aujourd’hui 925 (un record). Au-delà de ces chiffres globaux, plus instructives sont certainement les données concernant la typologie des violences.
Ainsi, semble-t-on assister à une installation de la violence ordinaire.

Des patients impatients, des médecins exaspérés

L’année 2015 est ainsi marquée par un léger recul des faits les plus graves : seuls 2 % des incidents rapportés impliquent ainsi l’utilisation d’une arme (contre 4 % en 2014). De même les agressions ayant entraîné une interruption de travail sont stables (7 %, en recul d’un point). Les insultes et les menaces constituent pour leur part la majorité des incidents signalés : 69 % en 2015, contre 65 % en 2014 (mais 70 % en 2011). Cette proportion n’a cessé de progresser au fil des ans : elle ne dépassait en effet pas 43 % en 2003. C’est le seul type de violences pour lequel on constate une telle variation : les cas de vandalisme, vol et agressions physiques ont tous diminué, mais dans des proportions moindres (respectivement de 13 % à 8 %, de 27 % à 19 % et de 15 % à 8 %). Cette tendance suggère sans doute tout à la fois une fréquence de plus en plus marquée des insultes proférées contre les médecins, mais également une exaspération probablement plus forte des professionnels. Elle est encore le signe d’une impatience et d’une exigence exacerbées des patients. Les « motifs » à l’origine des incidents le confirment d’ailleurs : reproche relatif à une prise en charge (33 %), colère face à un refus de prescription (16 %) ou temps d’attente jugé excessif (9 %) sont régulièrement évoqués.

Le dire à l’Ordre, faute de mieux

Face à cette violence ordinaire, les médecins semblent frappés d’un certain fatalisme, paraissant considérer que leurs plaintes, concernant des faits non physiques ne seront guère entendues. L’Ordre, déçu, constate en effet que les incidents sans suites légales atteignent un niveau jamais observé (56 %). Seuls 32% des incidents donnent lieu à un dépôt de plainte, et 12% à un dépôt de main courante. Le signalement à l’Ordre paraît dans ce climat délétère l’une des rares solutions qu’une partie des médecins pensent à employer (même si ces chiffres minimisent sans doute la réalité). Quand l’écoute de la police paraît peu probable face à l’évocation de mots et de menaces, l’Ordre est un exutoire, comme le révèlent ces signalements croissants (alors que face à un vol ou une agression physique, la justice peut demeurer un rempart). Jusqu’à quand ?

Source Jim.fr